Pour une poignée de 7e art (par Indy Blave)

Pour une poignée de 7e art (par Indy Blave)

Interview de Cédric Klapisch par Indy Blave à propos de "Peut-être" (suite)

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I.B : Il y a des répliques vraiment drôles dans le film : Romain Duris s'adressant à Belmondo "Toi, j'te fais pas !" ou encore Olivier Gourmet disant "Faut que Papy aille niquer Mamie !" (rires). Ce sont des répliques déjà écrites ou certaines ont-elles été parfois "dénichées" sur le tournage ?

 

C.K. : Non. C'était vraiment très écrit ces répliques. Comme je vous disais, on a travaillé le scénario pendant cinq ans et il est resté des choses de tout ce travail. Quand je dis cinq ans, il y a eu, entre-temps, "Chacun cherche son chat" et "Un air de famille" que j'ai faits "en attendant". Certes, ce ne sont pas cinq ans où je n'ai fait que cela, mais j'avais déjà ce projet avant de faire "Chacun cherche son chat".

 

I.B. C'est sur le tournage de "Un air de famille" que vous avez proposé à Jean-Pierre Bacri le rôle du père ?

 

C.K. : Oui certainement.

 

I.B. "Mollo sur la destroy !" qu'il dit dans le film est une réplique géniale, dans le contexte où elle est dite, alors que l'appartement est partiellement détruit...

 

C.K. : Oui j'avoue que j'en suis assez fier... (rires)

 

I.B. : Comment vous feriez "Peut être" aujourd'hui avec ce monde qui vit avec internet, les smartphones... sans oublier le Covid ?

 

C.K. : Je pense que je ferai la même chose ! Finalement le rêve qu'il n'y ait plus d'électricité fabrique la même chose. Ce matin (samedi 20 novembre) je lisais le post d'une actrice, avec qui je vais tourner, qui disait, alors qu'elle était à l'aéroport, qu'il n'y avait plus d'électricité et,du coup, les destinations des avions étaient marqués sur un tableau ! Du coup la légende de son post était "Et s'il n'y avait plus d'électricité dans le futur ?". Le ridicule de la situation m'a fait marrer. On voit bien que cela peut arriver, qu'il y a un peu une course contre la montre avec l'énergie en ce moment. Tout ça peut disparaitre... Donc oui je le ferai à l'identique mais avec, bien sûr, des trucages plus modernes qu'à l'époque. 

 

I.B : Comment avez vous vécu l'accueil de "Peut être" ?

 

C.K. : Pas très bien car le film n'a pas été très bien reçu. Dans mon souvenir, le film a fait dans les 800.000 entrées, tout le monde disait "C'est un échec !" ce à quoi je répondais que je souhaitais à tout le monde de faire un échec à 800.000 entrées... Mais quand même il y avait un truc très négatif. Les journaux du type "Libé", "Les cahiers du cinéma" ou "Le monde" m'ont descendu... Il y avait vraiment une sorte d'incompréhension. Je sentais que je faisais un film qui déroutait, Les gens ne savaient pas ce qu'ils voyaient. J'ai cependant l'impression, avec le recul, que les gens qui voient "Peut-être" aujourd'hui, le voient "mieux", comme si la poésie du film se voit maintenant alors que ce n'était pas complètement le cas à l'époque. C'est assez troublant ça.

 

I.B. : Je vous rejoins là dessus. Avant cette semaine, je ne l'avais pas revu depuis quelques années et je trouve effectivement que c'est un film qui se bonifie avec l'âge...

 

C.K. : On était super fiers à la fin de l'écriture avec les autres scénaristes parce qu'il y avait des idées toutes simples : Par exemple celle du futur qui est sur les toits. On a utilisé cette idée là abondamment C'est tout comme le principe que, pour voyager dans le temps, il suffit de monter un escalier alors que l'on voit généralement des machines pour faire cela. On aimait bien ce genre d'idées là. Et puis il y a des trucs qui me font hurler de rire comme le personnage du jeune frère de Géraldine Peilhas qui a sa mule qu'il gare sur le toit à propos duquel il dit "Je lui donnerai du foin plus tard !" . Ce sont des gags qui ne fonctionnent que dans la durée du film et je suis content d'avoir fait ce film juste pour créer ce délire.

 

 

I.B. : Quand j'écoute des interviews que vous avez données à propos de "Peut-être", je perçois que vous avez une affection particulière pour ce film...

 

C.K. : Oui car c'est là où j'ai été le plus loin. Ce film m'a beaucoup aidé à faire "L'auberge espagnole" qui était aussi une façon similaire de déconner ou d'être surréaliste mais dans la réalité. Le délire de "Peut être" m'a servi dans d'autres films car j'ai toujours besoin de faire des va et vient entre le réel et l'imaginaire. 

 

I.B. Je vois aussi "Peut-être" comme une amorce d'une troisième partie de carrière pour Jean-Paul Belmondo. Vous parlait-il de cette envie de chercher d'autres projets qui l'éloignerait de ce que l'on connaissait de lui ?

 

C.K. : Clairement, à l'époque, on lui proposait moins de choses. Je pense que c'est une raison qui lui a fait accepter mon film. Il m'avait dit quelque chose de super gentil, il m'avait raconté qu'il avait appris à faire confiance depuis qu'il avait fait "A bout de souffle" alors qu'il n'y croyait pas mais qu'il aimait bien le bonhomme. Il me disait qu'il ne comprenait pas pourquoi il était là mais cela lui était déjà arrivé (rires). Il était très gentil par rapport à cela et même à la sortie du film, il l'a beaucoup soutenu.

 

I.B. Vous avez revu Jean-Paul après le tournage ?

 

C.K. : Oui on s'est revu pas mal de fois. Après son AVC, j'ai pu le revoir quand il pouvait reparler un peu. Et puis j'ai vécu un moment super joli avec lui : Il y a eu, à la cinémathèque française, une projection de "Pierrot le fou" il y a six ou sept ans. J'y étais ainsi que Anna Karina et lui. J'étais le seul, parmi les 500 spectateurs présents, qu'il connaissait. Du coup, on a passé la soirée ensemble. et c'était vraiment sympa car il m'a raconté plein de souvenirs à propos de "Pierrot le fou". Je l'ai revu aussi lors de son hommage aux César.

 

I.B. Dans ses films, y en a t-il un que vous auriez aimé faire à l'époque si cela avait été possible ?

 

C.K. : (il réfléchit) Bah... beaucoup de films mais je ne songe pas en premier aux films de Godard. Soit les films d'action, soit les films comiques... Je suis absolument fan de tous les films de de Broca, "L'homme de Rio", "Les tribulations d'un chinois en Chine"..., et les films de Verneuil aussi, "Un singe en hiver", "Week-end à Zuydcoote"...

 

I.B. Question en aparté du film "Peut être" : 2022 marquera les 30 ans de votre premier long métrage sorti en salles, "Riens du tout" et donc, par là même, vos 30 ans de carrière au cinéma. Quel regard jetez vous sur ces trois décennies ?

 

C.K. : (il réfléchit). Eh bien, j'aurai donc fait 14 longs métrages et deux séries... (il réfléchit encore). J'ai pas chômé en y réfléchissant : j'ai fait à peu près un film tous les deux ans. Je crois que ma plus grande fierté dans tout cela, qui rejoint le thème de l'existence de "Peut-être, est que j'ai fait exister des acteurs. Au delà des histoires et du succès des films... Et c'est ce que me plait le plus.

 

I.B. L'ensemble de vos films sont positifs quand on les regarde. Vous ne feriez pas un film qui se termine mal ?

 

C.K. : Non. Je trouve que c'est presque la mission d'un réalisateur que de donner des idées positives aux gens. Je trouve que la vie est difficile et que le cinéma est là pour aider dans ces moments là. Donc "plomber" les gens est quelque chose qui m'est difficile. J'ai envie de servir de la positivité.

 

I.B. : Vous allez retravailler avec Romain Duris ?

 

C.K. : Bah là justement, je fais une série avec lui. C'est une série qui est la continuité de "L'auberge espagnole" qui fera 8 X 52 minutes et ça s'appellera "La greek salad" du fait que cela se passe en Grèce. Cela sortira sur Amazon. 

 

 

Propos recueillis samedi 20 novembre 2021

 

Jean-Paul Belmondo et Romain Duris évoquant "Peut-être" à la sortie du film : 

 



26/11/2021
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