Pour une poignée de 7e art (par Indy Blave)

Pour une poignée de 7e art (par Indy Blave)

Interview de Juliette Delacroix par Indy Blave à propos de « Une histoire d’amour »



 

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Sur ce blog, nous avons été particulièrement touchés par « Une histoire d’amour ». Sitôt sorti de la projection, nous avons voulu en savoir plus. Juliette Delacroix, qui joue Katia, a accepté de répondre à nos questions.

 

Attention cette interview contient des informations sur les intrigues du film.

 

Indy Blave : à partir de quel moment avez vous été approchée pour ce rôle qui est, rappelons le, une pièce de théâtre dans laquelle vous avez jouée ?

 

Juliette Delacroix : la pièce a été créée en 2019. Alexis (Michalik), au cours d’un été, l’a écrite alors qu’il sortait d’une rupture amoureuse. Il avait cette idée depuis plusieurs mois mais attendait d’être « au bon endroit émotionnel ».

Au cours de l’été 2019, j’ai passé quelques jours, avec des amis, dans sa maison dans le sud. Il faut savoir que, même si nous n’avions jamais travaillé ensemble, nous étions amis grâce à notre passion pour la bouffe. J’ai été, en effet, chef de cuistot avant d’être comédienne. C’est donc durant cet été qu’il nous a demandé de lire sa pièce avec lui afin qu’il puisse l’entendre. Mais, à ce moment là, ce n’était pas dans le but de faire un casting mais juste lui permettre d’entendre les mots qu’il avait écrits.

Au bout d’une heure, nous étions tous en larmes. Il a alors compris qu’il tenait son casting.


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IB : vous avez donc toujours été prévue pour le rôle de Katia ?

 

JD : oui complètement. La voix grave, notamment, que j’ai correspondait à ce que recherchait Alexis pour ce rôle. Une voix qui avait un côté un peu dur, un peu masculin, protecteur aussi. Au final, c’est un rôle que j’ai obtenu par le plus pur des hasards.

 

IB : en ce qui vous concerne, qu’est-qui vous a plu dans ce personnage ?

 

JD : toutes ses blessures ! Je trouve que c’est un personnage très touchant car Katia a peur d’aimer, elle a été déçue, elle s’est cassée la gueule… et ça la rend particulièrement touchante et attachante car la seule fois où elle décide de baisser la garde pour aimer, elle se fait avoir de nouveau ! C’est un personnage envers lequel on peut facilement avoir de l’empathie. On a tous eu peur un jour d’aimer, on a tous été trahis, quitté, été confrontés à la maladie de près ou de loin. Chez Katia il y a cette fêlure de malchance mais elle avance malgré tout sans se plaindre. Cela m’a énormément touché quand j’ai approché et travaillé ce rôle en y mettant du maximum de ma personnalité. Je me reconnais dans sa résistance avec ses galères dont on ne se plaint pas.


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IB : c’est intéressant ce que vous dites pour Katia car si on a de l’empathie pour elle, on n’a pas, néanmoins, de l’antipathie pour Justine…

 

JD : non. On la comprend aussi.

 

IB : ni même pour les autres personnages d’ailleurs…

 

JD : c’est ce que voulait Alexis. Il ne voulait pas que l’on ressente de la colère pour ces personnages. Dans toutes ses pièces, d’ailleurs, il écrit dans ce sens. Ces personnages ne sont pas là pour être jugés. Justine, dans ce sens, on la comprend. On se met parfois à ne plus aimer, à changer d’avis… et on peut en vouloir à personne pour ça. On a qu’une vie ! Cette fille a décidé de partir, d’aimer un homme, de porter la vie. Et si elle ne l’avait pas fait, elle serait passée à côté de sa propre vie. Mais elle aime encore Katia puisque, 10 ans plus tard, elle se retrouve face à elle juste avant qu’elle meure. C’est sûr que j’ai beaucoup d’empathie aussi pour le personnage de Justine.

 

IB : à partir de quand a t’il été décidé d’en faire une adaptation cinématographique ?

 

JD : on a commencé à jouer la pièce en 2020, à peu près une soixantaine de fois, à la Scala, à Paris. En mars 2020, il y a eu le confinement… il faut savoir que, pendant les représentations, on disait tous à Alexis « mais c’est presque un film cette pièce ! ». Lui répondait évasivement « Oui oui peut être qu’un jour je l’adapterai » mais ce n’était pas du tout une volonté de sa part au départ. Comme il a eu, comme tout le monde, beaucoup de temps pendant le confinement, il s’est mis à écrire le scénario. Il a commencé à réfléchir à l’adapter avec nous. Il voulait prendre l’équipe d’origine et l’emmener au cinéma avec lui. Mais il nous l’a caché pendant plusieurs mois par peur que l’on soit déçus ou qu’il n’y arrive pas. Il nous a rien dit voire même il s’en amusait en nous faisant croire que cela se montait avec telle ou telle personne…  je trouvais cela normal pour ma part : au cinéma il faut des têtes d’affiche, on ne pouvait que comprendre. Mais, durant Noël 2020, il nous a invité chez lui pour un goûter de Noël et nous a annoncé à cette occasion qu’il avait réussi à monter le film avec toute l’équipe d’origine et que Canal plus / le pacte et France 2 nous suivaient dans cette aventure.


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IB : le jeu théâtral est différent de celui cinématographique : comment avez vous abordé votre personnage des planches à l’écran ?

 

JD : je crois que l’on doit aborder un rôle de la même manière,  que ce soit au théâtre ou au cinéma. Au niveau du jeu, c’est sûr qu’au cinéma il a fallu rendre cela plus intime, affiner un peu les choses… il y a eu un travail pour rendre cela plus plus réaliste. On a cherché à apporter plus de sincérité car une caméra ça ne trompe pas. Alexis a aussi étoffé des choses qui n’étaient pas dans la pièce pour donner plus de densité. Comme Alexis le dit « au théâtre on montre, au cinéma on raconte ! ».  C’était passionnant comme travail de transposition.

 

IB : d’ailleurs, qu’est ce qui a été rajouté dans le film qui n’existe pas dans la pièce ?

 

JD : le lieu unique de la pièce. Le mariage se passe en Corse dans le film. On est réellement allé au Mont St Michel… tout ce qu’on a pu imaginer dans la pièce a pris corps.

Il y a eu aussi le passage des 12 ans de ma fille en accéléré, la séquence de l’accouchement, la scène du supermarché, l’accident de voiture….

 

ID : justement ce que j’ai notamment  apprécié dans le film, c’est qu’à aucun moment on a la sensation qu’il s’agit de l’adaptation d’une pièce de théâtre. Est-ce votre ressenti aussi ? Alexis a t’il fait un travail là-dessus en particulier ?

 

JD : oui. Il voulait vraiment qu’on n’ait pas besoin d’avoir vu la pièce pour découvrir le film. L’idée était d’en faire une œuvre à part entière. L’idée était de ne pas sentir la théâtralité.


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IB : on croit, au début, que le film va se focaliser sur l’histoire de Katia et Justine mais, finalement, le tout bascule dans une œuvre chorale. On y voit, tour à tour, des histoires entre Katia et son frère, Katia et sa fille, William et sa nièce…

 

JD : effectivement, dans ce film, il y a plusieurs histoires d’amour. Et c’est souvent la question qui revenait : pourquoi cela s’appelle « Une histoire d’amour » ? Alexis répondait qu’il racontait toutes ses histoires en une. En effet, c’est un film choral où chacun finit par se rejoindre. D’une manière ou d’une autre, tous dépendent des autres ou, du moins, leurs destins s’entrecroisent. Et, finalement, Alexis a voulu créer UNE grande histoire d’amour entre un frère et sa sœur, Katia et Justine, Claire et William… c’est une histoire qui raconte tous les amours : la perte, l’abandon, le deuil, l’espoir… c’était la volonté première finalement : celle de ressortir avec l’envie d’aimer, de vivre et se dire que rien n’est jamais fini même si la destination finale est la même pour tous.

 

IB : le film aurait presque pu durer trois heures avec toutes ses histoires…

 

JD : oui mais Alexis aime le rythme. Le jour où il fera une pièce ou un film de trois heure, je pense qu’il aura vraiment changé, qu’il y aura eu un cataclysme (rires) ! Lui aime les choses efficaces et ce film en est la démonstration.

 

IB : ce film m’a un peu rappelé, par moments, « Ghost » ou « Love Story ». Est-ce une volonté d’Alexis ?

 

JD : non je crois qu’il est surtout un amoureux du cinéma Italien. Il avait en tête ces mélodrames italiens qu’il affectionne.


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IB : quel metteur en scène est Alexis Michallik qui se trouve être, en plus, votre partenaire ? Comment se passe une collaboration avec quelqu’un qui joue avec vous tout en vous dirigeant ?

 

JD : c’est vrai que c’est un exercice particulier parce qu’on jouait ensemble alors qu’il dirigeait et produisait aussi. Mais nous sommes très amis dans la vie donc il y a aussi cette chance que nous pouvons nous parler efficacement et, de ce fait, nous ne prenons pas de pincettes. Dans notre travail, cela nous a permis de nous comprendre vite, de travailler vite… c’est quelqu’un de très exigeant mais dans le bon sens du terme. Il ne laisse pas la place au hasard, il sait exactement où il va et cela apporte un rythme permanent où l’on ne s’ennuie jamais.  Avec Alexis, on n’attend pas alors, qu’en général, un comédien doit beaucoup patienter sur un tournage. C’est quelqu’un qui a une précision dans tout ce qu’il fait, y compris dans sa vie.

 

IB : et ce qui est bien aussi dans ce film, c’est qu’il ne tire pas la couverture à lui. C’est un défaut qu’ont beaucoup d’acteurs / réalisateurs…avez vous ressenti cela aussi ?

 

JD : oui. Je crois qu’il était important pour lui que chaque personnage ait sa place, son histoire. Souvent, dans ses pièces, il n’y a pas de comédien principal. Tout le monde existe via son histoire, ses bonheurs et ses malheurs. Alors oui, il y a des meneurs mais tous sont aussi importants les uns que les autres. L’idée est de ne pas mettre quelqu’un au sommet et que les autres suivent. Tout le monde est dans le même bateau et donne ensemble un titre qui s’appelle « une histoire d’amour »

 

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IB : votre intimité avec votre partenaire Marica Soyer est plus appuyée dans le film que dans la pièce. Comment vous avez abordé les séquences intimes avec elle ?

 

JD : on avait la chance de se connaître déjà.  On l’a abordé très simplement grâce, aussi, à la présence d’une coordinatrice qui était là pour nous guider afin que tout cela paraisse juste, sans faute de goût. Ça s’est fait très simplement. Alexis est quelqu’un qui met aussi les gens très à l’aise. Les séquences ont été tournées en comité très réduite. Cette intimité était là pour montrer la passion de ces deux femmes.

 

IB : quand vous regardez le film, y a-t-il une des histoires d’amour qui vous touche plus que les autres ?

 

JD : non. Je crois qu’elles me touchent toutes. Même celle qu’on peut voir un peu moins, celle de Claire et William, je la trouve extrêmement touchante notamment à la fin lorsqu’on voit Pauline (Bression) danser ou lorsqu’ils se disent au revoir, à chaque fois je pleure ! Je les trouve toutes belles car je les trouve réelles, on peut toutes les trouver dans une vie.

 

IB : « Une histoire d’amour » a un peu divisé la presse mais le public a adoré (3,9 / 5 sur allo ciné). Regardez vous les critiques presse ?

 

JD : oui je les lis. On a fait ce film avec beaucoup d’amour. Si les gens aiment ou n’aiment pas c’est le jeu ! Bien sûr, on préférerait tous que tout le monde dise que c’est génial. C’est sûr que quand on lit la critique du « Monde » on fait « gloups » ! On aurait préféré qu’ils aient aimé, on ne va pas se mentir. Mais c’est pas grave. Sur le moment, c’est pas très agréable mais si on a peur de la critique et que l’on n’accepte pas, il faut changer de métier car on fait un métier d’exposition.

 

IB : mais justement comment percevez vous que le public ait davantage aimé le film que la presse ?

 

JD : oui, effectivement, on a eu plutôt des retours dithyrambiques du public. L’essentiel est là. Alexis l’a toujours dit : il fait des films pour le public. Il ne le fait pas pour un microcosme qu’est la presse. Il ne le fait pas pour 15 journalistes mais pour 30 000 spectateurs. C’est bien plus important pour lui. On a rencontré tellement de gens bouleversés par ce film depuis deux mois et même depuis le festival d’Angoulême l’été dernier, qui nous ont apporté des témoignages, de l’émotion… ça a été cela le cadeau ! Alors qu’UN journaliste de presse ou autre n’ait pas aimé… c’est pas grave ! Je le comprends même. Car même dans les critiques négatives, il y a des choses très justes. C’est leur métier. Mais est qu’un avis compte autant que celui de milliers de spectateurs ? Le calcul est vite fait…

 

IB : est-ce qu’un retour sur les planches pour la jouer à nouveau,après l’aventure ciné, est envisageable ou êtes vous passé à autre chose ?

 

JD : c’est pas prévu. En tout cas pas pour moi. Je pense avoir fait le tour de cette aventure. Mais peut être un jour ? Mais pas avec l’équipe d’origine. Il faut savoir refermer un livre !

 

 

 



29/04/2023
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